Cela faisait maintenant trois semaines que l’entraînement de Maya s’était clôturé, que son oncle avait terminé de la former au subtil art qu’était celui de l’assassinat. N’ayant plus rien à apprendre de la part de Ted, Maya décida qu’il était temps pour elle de voler de ses propres ailes, et ce dans tous les sens du terme. Et donc elle s’était cherché un petit appartement, afin de prendre totalement son indépendance ; oh ce ne fut pas simple, les propositions de logements étant plus onéreuses les unes que les autres. Jusqu’au jour où elle tomba sur la perle, justement ce qu’elle cherchait ; un petit studio, non loin du centre-ville, et donc de son lieu de travail, dont le loyer était plus que correct ; son salaire ne se verrait pas trop amputé par les dépenses de l’habitation. L’endroit était à la fois fonctionnel et spacieux, pour une personne, et convenait parfaitement à la jeune femme qui, dès le lendemain de sa trouvaille, lançait toutes les démarches afin de s’en porter acquéreuse.

A présent logée à ses frais, Maya n’attendait plus qu’une seule et unique chose ; des nouvelles de son oncle. Ce dernier avait, dès la fin de l’entraînement, contacté la Ligue des Ombres afin que les responsables de cette dernière puissent jauger Maya et l’accueillir, ou non, dans leurs rangs. Mais l’absence de nouvelles de la part de Ted n’avait rien de très encourageant, est-ce que la Ligue lui avait fait savoir qu’il était impossible pour elle d’accepter un nouveau membre ? Dans tous les cas, Maya gardait un œil attentif sur son téléphone portable en toute occasion, aussi bien au travail que chez elle, dans l’attente d’une réponse, qu’elle soit positive ou négative.

Finalement, le poids de cette latence fut ôté des épaules de Maya juste au moment où elle rentrait de chez elle après une journée de travail bien remplie ; ce n’était pas un texto d’une de ses amies, non plus un venant d’une de ses nombreuses conquêtes d’un soir, mais bien des nouvelles d’oncle Ted concernant la Ligue. Le message était succinct, mais au moins elle savait à quoi s’en tenir à présent. Elle avait rendez-vous avec un membre de la Ligue le soir-même, dans un vieux bâtiment laissé à l’abandon de Gotham. Seule ombre au tableau, elle n’avait pas l’identité de son contact ; sans doute une mesure de sécurité que son oncle avait jugée judicieuse d’adopter.

Qu’à cela ne tienne, elle ne devait pas tarder, le rendez-vous se tenant dans moins de trois heures et elle se devait non seulement d’être à l’heure, mais d’y être prête. Après une douche plus que rapide et un repas prit à la va-vite, Maya enfila une tenue pratique et confortable consistant en un jean un peu ample, une paire de converses un peu vieillottes, un débardeur et une veste kaki élimée assez large sous laquelle elle pouvait à loisir dissimuler ses dagues. Car oui, la demoiselle n’allait pas se présenter à un tel rendez-vous sans aucun moyen de se défendre ; non pas qu’elle redoutait un coup fourré de la part de son contact, mais elle se sentait plus à l’aise lorsqu’elle était armée et apte à réagir au moindre problème surprise. Empoignant son petit sac à dos dans lequel elle fourra clés et clopes, elle quitta son studio et prit la direction de l’adresse qui lui avait été indiquée dans le texto.

L’endroit n’était pas ce qu’on pouvait définir comme accueillant, loin de là. L’immeuble où elle devait rencontrer son contact puait l’urine et le moisi, sans parler des nombreuses seringues que l’on pouvait voir ici et là, traînant sur le sol ; sans doute cet endroit était d’ordinaire un repaire de clochards et de junkies, mais pour le coup, c’était plutôt calme en ce moment, pas le moindre bruit, pas la moindre présence humaine ; voilà qui était étrange, très étrange… Mais Maya n’avait pas le choix, elle devait attendre dans cette ruine qu’enfin l’envoyé de la Ligue se présente à elle.

Evidemment, le fait d’être arrivée une demi-heure à l’avance s’avérait être au final une idée pas si bonne que ça, mais bon, que voulez-vous, c’est ce qui arrive lorsque l’on est du genre à cheval sur la ponctualité.

Afin de tuer le temps, Maya glissa une cigarette au coin de ses lèvres et l’alluma à l’aide de son zippo, s’amusant ensuite à faire de petits ronds de fumée tout en explorant un peu le bâtiment. L’endroit était plutôt vaste et la jeune femme se demandait quel genre d’immeuble cela pouvait-il avoir été. Le siège d’une entreprise quelconque ayant mis la clé sous la porte ? Un ancien complexe de logements à bas prix ? Tant de questions dont les réponses, quelles qu’elles soient, ne l’intéressaient pas au final, elle faisait cela uniquement pour que le temps passe plus vite, et il fallait avouer que ça fonctionnait plutôt bien, plus que cinq minutes avant l’heure du rendez-vous.

C’est au moment où elle balança son mégot sur le sol qu’une drôle de sensation lui parcourut le corps, comme un frisson lui remontant le long de la colonne vertébrale… Elle n’était plus seule. Depuis combien de temps, ça elle n’aurait pu le dire avec précision, mais elle était plus que certaine qu’il y avait une autre personne qu’elle dans le bâtiment.

L’envoyé de la Ligue peut-être ? Mais encore fallait-il en être sûre ! Glissant nonchalamment sa main dans son dos, elle empoigna fermement le manche d’une de ses dagues, prête à la dégainer au moindre mouvement suspect qui pourrait s’avérer néfaste pour sa santé. Tout en gardant son assurance-vie au bout de ses doigts, la jeune femme se mit à marcher, un peu au hasard, dans ce qui avait été autrefois le hall d’accueil du bâtiment, cherchant furtivement du regard une silhouette qui serait en train de l’observer.