Il est bientôt midi. Je suis debout depuis quelques heures déjà et j'ai déjà eu le temps de faire quelques courses et de passer mes nerfs dans les magasins de vêtements. Ca fait bien longtemps que je n'avais pas eu l'occasion de faire d'ailleurs, maintenant que j'y pense. C'était un truc que j'adorais faire avec ma mère, surtout ce moment où on rentrait à la maison et qu'on s'amusait à faire des essayages. Enfin, ça, c'était avant que j'ai ma sale période où je m'étais mise à voler dans les magasins pour rappeler au monde que j'existais. Mais les choses s'étaient arrangées depuis. On avait même réussi à passer du temps ensemble toutes les deux. Avant tout ça. Avant qu'on me l'arrache elle aussi. Ca doit être pour ça que j'ai pas eu envie de remettre les pieds dans un magasin depuis tout ce temps.

Mais aujourd'hui ça m'a fait du bien. J'ai réussi à me vider la tête et, l'espace de quelques heures, je suis redevenue la Thea d'avant. Je ne sais pas si c'est une bonne chose ou pas d'ailleurs, soit dit en passant, mais j'ai oublié tout ce qui me posait problème et qui m'empêche de dormir sereinement. C'est de bonne humeur que j'atterris au Verdant, prête à en découdre avec la montagne de papiers qui m'attend et que je dois affronter.  Autant être honnête, je préfère largement les entrainements avec Malcolm, là au moins, j'ai le sentiment d'arriver à quelque chose de concret alors que ces fichues factures me donnent l'impression de ne jamais y arriver. Mais j'ai des sushis alors je peux m'en sortir.

Je suis sur le point de poser mes affaires sur le bar quand je remarque qu'une lumière est allumée. Tiens, j'étais persuadée d'avoir tout éteint hier en partant. Je fixe alors la porte fermée, mon regard s'attardant sur le petit boitier pour taper le code juste à coté et j'ai un sourire amusé alors que les mots "réserve - interdit au public" continuent de briller sans que personne ou presque ne sache réellement ce qu'il y a derrière.
Et, maintenant que je suis du secret, j'avoue que je me sens bien plus légère. Ca doit probablement jouer sur ma bonne humeur tiens.
Curieuse et d'un coup persuadée que c'est quelqu'un du petit groupe qui a oublié d'éteindre la lumière, je tape le code et je descends les escaliers prudemment, les bras toujours chargés. Je baisse la tête alors que j'arrive dans la grande pièce et je reconnais la silhouette de Felicity.

Ah oui, c'est vrai, Ollie m'a dit qu'elle savait aussi. Et, à part elle, je ne vois de toute façon personne capable de faire joujou avec tout ce matériel high tech, même si Ollie se débrouille pas trop mal. Mieux que Roy en tout cas. A la pensée de mon ex-petit ami, je me crispe involontairement et je dois pousser un profond soupir avant de lâcher en direction de la jeune femme qui a remarqué ma présence. Il faut dire que niveau discrétion, je me pose là pour le coup.

"Hey salut ! Oliver t'a dit que je savais, non ? Oui, il t'a dit, sinon t'aurais déjà… euh crié ? Ou… en fait, je sais pas trop ce que t'aurais pu dire ou faire si tu savais pas que je savais et… bref…"

Je parle un peu vite mais, autant le dire tout de suite, je suis un brin nerveuse. Je savais qu'elle serait là et, après tout ce que m'a dit Ollie, je voulais aussi lui parler. Je sais pas trop pourquoi par contre. Peut-être parce que je me dis qu'elle sera plus bavarde que les autres ou un truc dans le genre. Faut dire qu'on a pas été du genre super proches, super copines ou quoi que ce soit du style mais je sais pas, je l'ai toujours bien aimée Felicity. Elle a tellement rien à voir avec les filles que j'ai pu côtoyer depuis toujours que ça fait du bien de lui parler des fois, même si, souvent, je suis un brin perplexe en la voyant faire.

Enfin, c'est pas tout ça, mais je me rapproche, montrant les sacs que je tiens à la main et un large sourire illumine alors mon visage.

"Je dérange pas trop j'espère ?! J'ai amené des sushis ! T'aimes les sushis ?"

Je crois que je parle trop, une fois de plus. Je suis un peu plus nerveuse que je l'aurais cru au premier abord. Peut-être qu'elle va m'envoyer balader et me dire que je n'ai rien à faire ici. Et, en soit, maintenant que je sais ce qui se passe, elle n'aurait pas foncièrement tort.