Oliver a encore disparu. Je ne devrais pas être étonnée mais, une fois de plus, j'ai eu le cœur serré en apprenant qu'il était encore parti on ne sait où et ce, depuis plusieurs jours.  Après tout, pourquoi il m'aurait dit quelque chose ? Je préfère éviter de trop me focaliser sur cette question, sinon je vais encore m'énerver toute seule et je ne peux de toute façon pas lui dire ce que je pense vu que je ne sais pas où il est.

Alors je vaque à mes occupations, comme d'habitude. Je fais mine que je gère parfaitement la situation et je me focalise sur les choses concrètes.
La gestion du club, mes entrainements avec Malcolm, ce genre d'occupations qui ne me font oublier qu'au fond, rien ne va, que je me réveille toutes les nuits en sursaut et que j'ai l'impression de m'éloigner des gens que j'aime. Ou alors que ce sont eux qui s'éloignent de moi ce qui est encore pire à bien y réfléchir.

Alors, pourquoi je suis en train de rouler en direction de ce vieil entrepôt paumé au milieu de nulle part ? Enfin, j'exagère quand je dis ça, il est pas si loin que ça du Verdant mais bon, c'est un coin où je ne vais jamais, c'est surtout ça. Tout a commencé il y a quelques heures, quand Diggle a débarqué dans mon bureau alors que j'essayais vaguement de me concentrer sur une pile de factures, sans le moindre succès. J'ai pas trop compris pourquoi il est venu me voir moi précisément, c'est pas comme si je pouvais faire quelque chose non ? Après tout, je ne sais même pas pourquoi Ollie a encore mis les voiles et si je savais seulement ce qu'il avait dans la tête, peut-être que je pourrais le comprendre un peu mieux.

Mais, à la mine de Diggle, je me suis rendue compte d'un coup que, si je voulais le savoir, c'était peut-être le moment où jamais. On cause pas souvent tous les deux mais je sais qu'il m'a cernée et qu'il me connait bien plus que je le voudrais. Il m'a dit où trouver mon frère, sans me dire pourquoi il était parti ni ce que je pourrais faire pour lui. Mais il avait l'air tellement convaincu que je me suis laissée convaincre et que j'ai pris le bout de papier qu'il me tendait avec une adresse et des instructions un peu bizarres.

Je sors de la voiture après m'être perdue trois fois, et je jette un regard curieux autour de moi, me demandant vraiment comment Ollie a fait pour atterrir dans un coin pareil. J'hésite un peu, me rappelant les directives de Diggle, et je finis par me faufiler dans l'entrepôt, aussi silencieuse que possible. Je ne fais que quelques pas avant de regretter d'avoir mis des talons et je me déchausse, continuant mon chemin mes chaussures à la main et soulagée de ne plus avoir l'impression d'être un éléphant dans un magasin de porcelaine. Enfin, au moins Ollie ne pourra pas dire qu'il ne m'a pas entendue.

Je finis par le trouver et je jette un regard autour de moi avant de souffler, d'un ton aussi léger que possible.

"Sympa la déco. Un peu sobre par contre, mais il parait que c'est la nouvelle mode. Un peu comme du gothico-Feng-shui ou un truc dans le genre."

Je laisse filer un instant de silence avant de m'assoir à même le sol, adoptant la même position que lui, l'air le plus naturel du monde, comme si ma présence ici était tout à faire normale. Je dépose mes talons sagement à coté de moi et je reprends, d'une voix douce.

"Bonjour Ollie. Tu sais que t'as une sale tête ?"

Les silences pesants.

Voilà bien un truc auquel je devrais être habituée avec une famille comme la mienne. Même avant qu'Ollie et papa disparaissent, le nombre de diners qui finissaient avec chacun de nous qui piquait la tête sur son assiette, sans rien dire, était tout simplement incalculable. Avec le retour d'Ollie j'ai cru, l'espace d'un instant, que les choses s'arrangeraient.

Bon j'y ai pas cru longtemps hein. Entre les silences, les secrets, les mensonges, je suis servie. Et pourtant, une part de moi espère toujours que ça changera. Plus d'une fois j'ai cru que j'avais ma dose avec cette famille, que je voulais autre chose, que fuir tout ça serait une bénédiction. Mais, maintenant que je suis revenue à Starling City et quels que soient les griefs que je peux avoir envers Oliver, je me rends compte que je peux pas rester loin de lui. Il a des secrets mais on en a tous non ? Je ne veux plus le laisser seul même s'il n'a pas suffisamment confiance en moi pour me dire tout ce qui le tracasse et ce qui l'a transformé à ce point là. Mais parfois j'ai des doutes, même si je n'ose pas mettre de nom sur ce que je soupçonne.

Il ne réagit même pas quand je m'assois face à lui et laisse filer un de ces silences dont la famille Queen a le secret et j'esquisse un sourire amusé. Au moins, ça on maitrise à défaut de savoir parler réellement à cœur ouvert, même si des fois, dans un moment d'égarement, il nous arrive de nous confier vraiment.

Je ne m'offusque pas de son ton monotone, comme si la réponse ne l'intéressait pas vraiment. Je ne m'attendais pas à ce qu'il déroule le tapis rouge à mon arrivée. Après tout, ça doit pas être pour rien qu'il se terre dans un coin aussi glauque.

"C'est effectivement Diggle qui m'envoie. Il est passé me voir ce matin et il m'a dit où te trouver. J'ai cru qu'il plaisantait d'ailleurs au début quand il m'a carrément filé un plan. Mais j'ai réussi à trouver mon chemin comme une grande. Et me voilà."

J'ai parlé d'une voix légère, qui contraste volontairement avec la sienne et la mine qu'il arbore. Mes petites note d'humour ne font pas mouche contrairement à d'habitude mais je laisse couler alors que nos regards s'accrochent et que je le fixe sans ciller ni me démonter. Je n'ai pas de réponse à sa question, je ne sais pas vraiment ce que je fais là. Diggle m'a dit qu'il était temps qu'Oliver et moi ayons une véritable discussion et qu'il fallait qu'il se rappelle de certaines choses. Je n'ai pas tout compris mais j'ai retenu le principal. Je pouvais aider mon frère et, si venir ici et m'assoir par terre dans la poussière pouvait servir, et bien me voilà, sans la moindre hésitation. Je souffle pourtant, sans le quitter des yeux.

"Parce que tu es la seule famille qui me reste. Que j'aimerais comprendre ce qui s'est passé pour que tu finisses une fois de plus par disparaitre. Et pour que tu saches que je finis moi aussi toujours par te retrouver, même si tu essaies de m'échapper et qu'il me faut un coup de main la plupart du temps."

Je laisse filer un silence alors que je me rends compte que ma voix a pris un ton plus accusateur que je ne l'aurais voulu. Après tout, la dernière fois, c'est moi qui suit partie à l'autre bout du monde et il est quand même venu me chercher non ? Je reprends, d'un ton tranquille, sortant de ma poche un petit bout de papier.

"J'ai repensé à un truc d'ailleurs quand j'étais sur le chemin. J'ai mangé au restaurant chinois hier et j'ai récupéré un de ces petits biscuits chinois aux maximes pourries. Et, enfin quand je l'ai lue, j'ai pensé à toi, alors je l'ai gardée. "

Je lui tends alors le petit morceau de papier, le déposant juste assez près de lui pour qu'il puisse l'attraper. C'est totalement stupide et c'est le genre de truc qui me ferait rire en temps normal mais, je sais pas pourquoi, j'y ai vu une espèce de pied de nez à ma propre existence.

“En famille, tout se sait mais rien ne se dit.”

Et ouais, obligée de passer par des biscuits chinois pour essayer de délivrer un message. On est tombés bien bas dans la famille Queen non ? Enfin, je m'attends déjà à peine à ce qu'il y jette un œil et encore moins à ce qu'il réagisse de toute façon.

Bon, déjà, il m'a pas envoyé balader. Pas encore en tout cas.

C'est un bon début non ? Pourtant je sens que c'est loin d'être un bon jour là. Je l'ai déjà vu de mauvaise humeur, tendu, agacé, tout ce que vous voulez, mais là, on a atteint des sommets on dirait. Bon après, je me doute que c'est pas pour rien qu'il a décidé de se terrer dans ce coin tout pourri et c'est encore moins gratuitement que Diggle est venu me voir. Je réalise qu'il n'a même pas eu besoin de sortir l'argumentaire qu'il avait visiblement préparé pour me convaincre d'aller voir Oliver.
Quelques mots bien choisis ont suffi. A croire qu'il commence à vraiment bien cerner la famille Queen celui-là aussi. Enfin, il faut dire qu'il passe tellement de temps avec Oliver que le contraire serait étonnant.

Il ne fait pas de commentaire sur le fait que je confirme comment j'ai réussi à le trouver ici. A croire que rien ne le surprendra aujourd'hui. Son regard a l'air de se perdre dans la contemplation de ce petit bout de papier et il finir quand même par parler, les yeux baissés, comme s'il n'osait pas me regarder dans les yeux.

"Tu regrettes quelle vie ? Celle où tu étais loin de nous ? Celle où je me confiais à ta pierre tombale tous les jours, où je n'avais qu'un morceau de pierre vide comme seul souvenir de l'être qui m'était le plus cher ? Il n'y pas un jour où je n'ai pas pensé à toi quand tu étais sur cette ile et tu le sais. Pas un seul instant où je n'ai pas souhaité que tu sois là, pour de vrai. Je voulais tellement fort que tu reviennes."

Ca, il le sait déjà. Je lui ai déjà raconté grosso modo la même chose quelques temps après son retour. Pourtant, je ressens comme le besoin de lui rappeler ces choses, de lui rappeler à quel point il est important pour moi, quoi qu'il ait pu dire ou faire. Parce que là, d'un coup, je m'en rends compte, avant même qu'il ait besoin de le dire à voix haute. Oui il me ment, oui il me cache tellement de choses depuis son retour de cette fichue ile que je finirais presque par perdre le compte. Mais c'est Ollie. Je saurais pas dire pourquoi, mais ces quelques mots expliquent tout le reste. Ils donnent un sens à ma présence ici et, à ses derniers mots, je m'approche de lui. Je pose alors une main sur la sienne, le fixant avant d'esquisser un sourire.

"Je sais qui tu es. Tu es mon frère, quoi qu'il arrive."

J'attends quelques secondes avant d'ajouter, d'un ton tranquille.

"Oui tu me mens, c'est pas un scoop ça, je ne suis pas idiote même si certains ont l'air persuadés du contraire. Il m'arrive même de réfléchir et de savoir faire quelques rapprochements évidents quand on m'en laisse l'occasion. Mais il est peut-être temps que tout ça s'arrête non ?"

Je glisse alors une main sous son menton pour le relever et qu'il me regarde dans les yeux, attendant de voir ce qu'il va répondre. J'espère qu'il peut voir dans mon regard toute l'affection que j'ai pour lui, qui ne s'éteindra pas, quelles que soient les différents qui peuvent parfois nous séparer.

Parfois j'aimerais bien pouvoir lire dans les pensées. Pas tout le temps hein, je pense que c'est le genre de truc qui doit rendre complètement fou. Mais là, tout de suite, j'avoue que ce serait quand même vachement pratique. Parce que bon, autant le dire tout de suite, niveau expression Ollie, quand il s'y met, il se pose là. Dans le genre neutre et je cache tout ce que je peux penser, mon frère a toujours été sacrément fort mais ces derniers temps, il est carrément devenu champion du monde en la matière.

J'ai quand même l'impression qu'il hésite, comme s'il savait pas trop quoi me répondre, comme si ce que j'avais dit avait fait mouche. Bon ok, pour le dernier point, c'est peut-être juste moi qui m'imagine des trucs pour avoir l'impression de pas avoir parlé dans le vide durant les dernières minutes et me dire que Diggle m'a pas envoyée ici pour rien.

Alors j'attends, sagement, guettant le moindre de ses mouvements, le moindre mot qu'il pourrait prononcer en me demandant si Diggle a bien fait de m'envoyer ici. J'ai peur qu'il me rejette pour de bon, qu'après m'avoir dit qu'il me ment depuis son retour, il me dise qu'il ne peut plus rien partager avec moi. Je sais pas comment je le prendrais, autant le dire tout de suite. Enfin si, particulièrement mal. Je me rends bien compte que là, on joue quitte ou double tous les deux et que beaucoup de choses auront changé quand on sortira de là. J'arrive juste pas à savoir comment exactement.

Il finit par lâcher son verdict et j'ai un soupir de soulagement même si je me contente de hocher la tête avant de souffler, à mi-voix.

"Bien. Moi aussi je veux qu'on avance tous les deux."

Je fixe alors la malle qu'il a posé entre nous et j'hésite, l'espace d'un instant. Parfois les secrets sont plus faciles à gérer que la vérité. C'est même souvent mieux de pas savoir. Est-ce que j'aurais aimé ne pas savoir qui était vraiment mon père par exemple ? J'en sais trop rien. Je me dis que si je veux arrêter c'est le moment où jamais. Ollie me le reprochera pas, pas ouvertement en tout cas, il acceptera mon choix. Je lève alors les yeux vers lui mais je me rends compte que j'ai besoin de le retrouver et que, si je veux que ça arrive, il faut que je sache, que je sois fixée sur ce qu'il me cache depuis si longtemps, depuis son retour de cette fichue ile au bout du monde.

Je prends une profonde inspiration et je finis par me décider. Je l'ouvre.

Et je reste figée devant le costume. Et l'arc. Il ne me faut que quelques secondes pour faire le rapprochement, le temps que mon cerveau accepte de se mettre en route et de pointer l'évidence quoi.

Je souffle alors, sans pouvoir m'en empêcher.

"Et bah merde alors."

Et puis, pour changer, je suis à court de mots. Tous ces mystères, toutes ces cachoteries, d'un coup, tout prend soudain un sens. En un clin d'œil, cette malle me permet enfin de retrouver ce frère que j'avais cru perdu pour de bon malgré son retour à Starling City. J'ai brusquement une boule dans la gorge et je sens les larmes me monter aux yeux mais je cille à plusieurs reprises pour les chasser avant de lâcher la première chose qui me passe par la tête, d'une voix beaucoup trop rauque pour qu'il ne se rende pas compte de ce qui se passe.

"Il est super classe cet arc."

Je l'effleure du bout des doigts et j'expire doucement, essayant de retrouver un semblant de contenance avant de lever de nouveau les yeux vers lui.

"Mais pourquoi t'en as pas parlé avant ? Et pourquoi t'as décidé de faire ça ? Qu'est ce qui t'es passé par la tête ? Diggle est au courant ? Ah bien sûr que oui il sait, il sait tout de toute façon. Et qui d'autre ? Et comment tu fais pour gérer tout ça ?"

Je reprends alors ma respiration et j'essuie les larmes qui ont fini par couler alors que je me suis mise à parler sans discontinuer. J'ai alors un sourire contrit, comme pour m'excuser de toutes ces questions qui me viennent sans que j'arrive à les contenir. Et encore, je me suis arrêtée parce qu'il fallait que je reprenne ma respiration. J'attends désormais de voir ce qu'il va dire, ce qu'il va faire. Ce qui va se passer maintenant que je sais que mon frère est Arrow.

Et voilà. Le scoop. A bien y réfléchir, je ne suis même pas totalement surprise. Toutes les pièces du puzzle, maintenant qu'il est terminé, sont parfaitement à leur place et, l'espace d'un instant, je me demande comment j'ai pas compris avant. Peut-être parce que je ne voulais pas, vu tout ce que ça pouvait impliquer. Rester dans le noir, c'est vachement plus facile, surtout quand il arrive un truc. Comme ça, on peut dire qu'on savait pas, que jamais on aurait imaginé ça… des conneries dans le genre quoi.

Mais là, ça y est, il a enfin lâché le morceau. J'arrive tant bien que mal à contrôler l'émotion qui me submerge et je la remplace par de la curiosité. C'est plus simple à gérer pour moi en tout cas. Alors je lui pose toutes les questions qui me passent par la tête, me demandant à quoi il va répondre, s'il va continuer à tout me dire ou s'il va considérer que j'en sais assez pour ce soir.

Je me fige à sa première réponse et je fronce les sourcils, laissant filer un silence, incapable de rebondir là-dessus. Je finis quand même par lâcher en bredouillant un peu.

"Oh ça en fait du monde."

Ils savent tous donc. Tous les proches d'Oliver. Tous ces gens que je croise régulièrement à ses cotés, qui me sourient comme la brave petite soeur que je suis. Ou pas d'ailleurs. Et pas moi. En ce qui me concerne,  il a attendu… quoi au juste ? De ne plus avoir le choix ? Je baisse brusquement les yeux relâchant l'arc et je prends une profonde inspiration. J'ai l'impression que tout ce qu'il a réussi à libérer vient de disparaitre, sans bien arriver à saisir pourquoi.

Et Diggle sait aussi alors. C'est probablement pour ça qu'il m'a envoyée là. Pour que je sois au courant aussi. Ou alors, parce qu'il trouvait ça super marrant de me faire venir voir Oliver sans que je comprenne vraiment ce qui se passe. D'un coup, je ne sais plus du tout, je me mets à douter d'une des rares personnes qui m'avait toujours semblée sans faille. J'ai un soupir et je sens mes mâchoires qui se contractent alors qu'Oliver continue.

Je le sens super ému lui aussi, comme s'il avait du mal à me dire tout ça. Et pourtant, c'est pas comme s'il avait pu l'avouer à d'autres non ? Il devrait savoir comment on fait sans trop de soucis. Oui, je sais c'est pas cool de penser ça mais d'un coup, j'ai l'impression de redevenir une petite fille qu'on laisse de coté. Celle qui lui courrait toujours après sans jamais pouvoir l'attraper. Mais, d'un coup, je tique sur ce qu'il vient de dire et je fronce les sourcils, perplexe.

"Ses erreurs ? Comment ça ? De quoi tu parles ? Et tu crois que je sais pas ce qui se passe dehors ? T'as oublié qui est mon père biologique peut-être ?"

Ma voix a monté d'un ton sans que j'arrive à la contrôler et j'ai une grimace d'excuses avant de me taire à nouveau quand mon regard accroche le sien. Si je m'écoutais vraiment, je fondrais en larmes et je me précipiterais dans ses bras. Je suis même à deux doigts de le faire et j'arrive pas vraiment à savoir ce qui me retient. Je sais juste que je serre mes doigts entre eux tellement fort que les jointures en deviennent blanche.

Il me dit alors que des gens sont morts par sa faute et ça, j'arrive pas à le concevoir. Je secoue la tête avant de souffler, d'un ton assuré.

"Non. Je sais pas ce que t'as pu faire ou de quoi tu te crois responsable. Mais tu feras jamais croire que tu peux être responsable de leur mort. Tu as peut-être menti mais c'est pas toi qui les a tués. On sait tous qui sont les vrais coupables dans cette histoire."

Je laisse de nouveau filer un silence alors que mon regard se perd dans la contemplation de la flèche qu'il tient entre les mains. Et là, il me demande de lui pardonner. Ses mensonges, ses erreurs. Je suis incapable de lui répondre quoi que ce soit, les mots refusent de sortir de ma bouche.

Au bout de longues minutes interminables, je finis par souffler, d'une voix à peine audible.

"Oliver… si j'étais pas venue aujourd'hui, tu m'aurais dit la vérité ? Tu dis que t'as fait ça pour me protéger mais tous les autres, t'as pas ressenti ce besoin alors ? Ou il y avait autre chose ? Tu leur fais plus confiance qu'à moi c'est ça ?"

Ca ne répond pas à sa demande, loin de là. Je me tais brusquement, sentant ma voix se briser alors que je n'arrive pas à rester aussi neutre que je l'aurais voulu. Et voilà, je sens les larmes rouler sur mes joues sans que j'arrive à les retenir. Tu m'étonnes qu'il a pas voulu m'en parler avant. Qui irait se confier à une gosse qui pleure comme une madeleine ?

D'aussi loin que je me souvienne, à chaque fois que quelque chose ne va pas, je m'en tire généralement en m'énervant, en étant de mauvaise foi ou par une blague. Bref, une pirouette quelconque qui m'évite d'avoir à réellement montrer mes sentiments. Je saurais pas trop dire à quoi ça peut bien être lié. Mettre tout sur le dos de la disparition de mon père et d'Ollie est un peu facile à la longue même si tout part de là. Enfin, s'ils étaient restés, j'aurais probablement mal tourné mais d'une façon différente.

Mais là, impossible. Les révélations d'Oliver sont bien trop importantes pour que je fasse mine de ne pas être réellement touchée. Et puis, de toute façon, j'en serais tout bonnement incapable. J'arrive déjà à peine à ne pas fondre en larmes alors bon, pas la peine de m'en demander plus. J'essaie de digérer le fait que la terre entière semble savoir que mon frère est Arrow, enfin les seuls qui comptent pour lui mais j'avoue, j'ai beaucoup de mal. Alors, plutôt que de me focaliser sur ça, je préfère penser au reste. Je grimace à sa répartie sur Malcolm. J'avoue, je n'arrive pas à me défier comme lui alors que mon frère n'arrête pas de me dire de faire attention et de ne pas lui faire confiance. Je prends une mine butée qu'il connait bien alors que je souffle à voix basse.

"Je ne sais pas. Il me montre peut-être plus de choses que tu le crois. Je sais qu'il a ses torts, mais c'est le cas de tout le monde ici non ? Papa était loin d'être parfait lui aussi et maman non plus. Si elle l'avait été, je serais peut-être même pas de ce monde…"

Je sais pourtant qu'il n'y a pas si longtemps il a tué des milliers de gens sans même avoir l'air d'avoir mauvaise conscience. On en a reparlé il y a pas longtemps mais j'ai pourtant l'impression qu'il tient vraiment à moi, qu'il était sincère dans ce qu'il m'a dit. Mais ça, je me répugne à en parler à Oliver. Tout comme je n'ai pas envie de lui parler de nos entrainements, de ce qu'il m'apprend. Je me doute qu'il doit savoir que je vois Malcolm régulièrement mais je me demande s'il sait vraiment quelle est notre relation.

Au reste de ses propos, je me mordille la lèvre avant de lâcher un profond soupir. Entendre parler de Sara me met mal à l'aise mais j'essaie de le cacher tant bien que mal alors que, d'un autre coté, j'essaie de ne pas songer à la peine causée par la mort de tous ces gens dont ils parlent. J'ai été liée à presque chacun d'eux et ils me manquent chaque jour. Mais ça servirait à rien de lui dire, d'autant qu'il se sent responsable de quelque chose qu'il n'aurait peut-être même pas pu empêcher.

"Ollie… ces gens sont morts parce qu'ils tenaient à toi ou qu'ils pensaient que ce que tu faisais était quelque chose de juste. Si tu veux te sentir responsable, je veux bien, ça t'obligera à ce qu'ils ne soient pas morts pour rien. Mais tu dois pas te sentir coupable. Il faut que ça te porte, pas que ça t'enfonce. Tu as des convictions, tu fais des choses pour sauver cette ville malgré tous les dangers que ça peut représenter et faut pas que tu l'oublies non plus."

Je sais pas s'il comprend vraiment ce que je veux lui dire mais, même si je lui en veux de ne pas m'en avoir parlé avant, je ne veux pas qu'il se sente abandonné. Il reste mon frère avant tout, tout sauveur de la ville qu'il est. Et pourtant, j'arrive pas à m'empêcher de pleurer. Je déteste pleurer, j'ai l'impression de me retrouver des années en arrière, quand je me réveillais en larmes et que personne n'était là pour me consoler. Ollie et papa avaient disparu, maman était même pas en état de s'occuper d'elle, comment elle aurait pu le faire pour moi ? Alors je me roulais en boule dans mon lit, en serrant une peluche en espérant que ça finirait par passer. Cette faiblesse-là, je l'ai enfouie tout au fond de mon être mais là, la révélation d'Oliver fissure le mur que j'avais construit par-dessus et je peux pas retenir mes larmes. Il me parle mais j'ai du mal à vraiment comprendre ce qu'il dit. Ce n'est que quand il me relève la tête que je sens ses pouces sur mes joues que je déglutis et que j'arrive à me recentrer sur ce qu'il raconte.

"Comment tu peux avoir une confiance aveugle en moi alors que je ne me fais même pas confiance à moi-même ? Je comprends que t'aies pas eu le choix avec les autres mais, je sais pas, ça me donne l'impression d'être la dernière des idiotes à ne pas savoir quelque chose qui devait sembler évident à tout le monde."

Je souffle alors, toujours d'une petite voix.

"Et je m'en veux de pas avoir pu t'aider. Et d'être partie comme ça… et pour tout le reste."

Si je me calme pas, je vais finir par faire une crise de larmes et j'arriverais même plus à parler. Je prends une profonde inspiration et, au reste de ses propos j'ai un froncement de sourcils.

"Qu'est ce que tu veux que je te promette ?"

L'espace d'une seconde, j'ai peur. Qu'il me demande de lui promettre de rester à l'écart de tout ça, qu'il ne veuille pas que je sache quoi que ce soit de plus ou un truc dans le même genre. Maintenant que je suis au courant, je pense que je le prendrais encore plus mal d'être mise de coté alors que c'est pas le cas des autres.